FUNESTE MARDI DE PAQUES 2011 : triste anniversaire, 8 ans déjà que j’ai attenté à mes jours et que je suis en SURVIE

  • Béatrice - Caen
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BURN OUT = MON PARCOURS DU COMBATTANT

Comme disait Sophocle : « Aie du courage. Quand tu dis la vérité, tu ne fais pas d’erreur ».

C’est une citation qui m’inspire car je ne vous cache pas qu’il en faut du courage pour témoigner de ce qui a détruit votre vie et brisé votre famille, qui est LA vérité certes mais tellement inhumaine.

Avec l’évènement majeur de ces derniers jours : Notre Dame de Paris qui brûle, voici une métaphore que je vous propose, criante de vérité. Je comprends qu’au prime abord, vous ne voyez pas le rapport. Et pourtant !!! Quand lundi 15/04, je découvre cette image de l’embrasement de Notre Dame vue d’un drone, cela m’a fait un choc d’autant que quelques minutes plus tôt, vu de l’esplanade, Notre Dame avec ses deux grandes tours et son enceinte intacte, tout semblait normal extérieurement (alors que tout brulait à l’intérieur). Et bien le burn out, c’est exactement cela, la personne qui en souffre, vue de l’extérieur est d’une apparence habituelle alors que tout est « cramé à l’intérieur ».

J’irais encore plus loin dans l’analyse : le lendemain matin j’entends à la radio Stéphane Bern, qui se bat depuis des années pour notre patrimoine avec les moyens qu’on veut bien lui donner, disait avec des sanglots dans la voix : « Quand je pense qu’il faudra 40 ans de travaux pour reconstruire à l’identique, je crains de ne plus être de ce monde pour la revoir comme avant… ». Mais avec l’avalanche de méga dons qui sont tombés dans la journée pour sa reconstruction, voilà que le Président de la République a l’audace d’imaginer que 5 ans suffiront. Pour le burn out, c’est pareil, il y en a pour qui cela prend 10 / 15 ou 20 ans (ou jamais) pour s’en remettre mais si déjà le burn-out était :
- reconnu comme maladie professionnelle
- que l’accident de travail était reconnu comme tel
- que l’on remboursait certaines visites médicales (sophrologie, magnétiseur…) car beaucoup y renonce faute de moyens
- que l’entreprise prenne enfin conscience de ne pas nous refaire travailler dans des conditions inédéquates à l’état de santé….
ALORS LA, peut-être que l’on pourrait guérir du Burn out en quelques mois donc plus vite et plus durablement. Mais malheureusement, il n'y aura jamais de millions d'euros qui tomberont du ciel pour aider à guérir de cette pathologie destructrice.

J’ai 56 ans. Ma carrière de 37 ans dans la même entreprise ORANGE a connu les dix dernières années un parcours professionnel parsemé de périodes douloureuses et une souffrance au travail insupportable en étant en première ligne du fait de mon mandat de déléguée du personnel à l’époque. Cette souffrance dans un univers professionnel inhumain et un mur d’incompréhension administrative, finit par se solder par un BURN OUT, concrétisé par une tentative de suicide sur mon lieu de travail le 26/04/2011 (ce même jour, un collègue de Bordeaux s’est immolé par le feu sur son lieu de travail). Moi, si je puis dire, la mort n’a pas voulu de moi et donc depuis 8 ans, je suis en état de SURVIE, car il faut savoir que ma VIE n’a jamais repris un cours normal.

Après un congé longue maladie, j’ai repris le travail en 2013 mais je n’ai jamais pu reprendre à temps complet. J’ai subi deux autres accidents du travail, l’un en 2015 et le dernier le 05/01/2018, suite à une réorganisation du lieu de travail. En effet, depuis 3 ans, avec tous les départs à la retraite, nous n’étions plus que 30 à travailler sur un plateau de 74 positions de travail, ce qui m’allait très bien car j’étais bien souvent seule sur ma marguerite de 4. Mais suite à une réorganisation des services, notre plateau de 74 places s’est retrouvé au complet en septembre 2017 mais ces conditions de travail particulièrement bruyantes n’étaient plus du tout en adéquation avec mon état de santé malgré l’octroi d’une RQTH (reconnaissance de qualité de travailleur handicapé) que l’entreprise n’a jamais prise en compte et malgré les recommandations de la médecine du travail et du CHSCT. Aucun des trois n’a été reconnu comme accident du travail. Depuis janvier 2018, je n’ai toujours pas repris le travail. Ma vie est devenue un parcours du combattant entre :
- Arrêt maladie sans cesse renouvelé transformé en congé longue maladie,
- RDV médicaux divers (Psychiatre, CMP, Souffrance et Travail, magnétiseur, hypnothérapeute, CHU et j’en passe)
- Expertises médicales
- RDV avec avocats, assistance juridique…
- Sport (en salles et marche nordique)

C’est pourquoi, je ne pense pas faire une erreur en racontant au grand jour ces années de souffrance, de solitude, de meurtrissures et surtout comment j’ai mené ce combat pour aller mieux aujourd’hui et tenter de me reconstruire, tourner la page et avancer.
En effet, j’ai décidé de me battre jusqu’au bout de mes forces (qu’il me reste) en espérant que l’année 2019 sera l’année de la renaissance et de la reconnaissance car :
- Pour ce 3ème accident du travail, j’ai décidé de contester (ce que je n’avais pas fait pour les deux précédents) cette décision auprès du Tribunal Administratif de Caen (dossier en cours depuis le 25/09/2018)
- Je me suis portée Partie Civile dans le procès de Didier Lombard (ex PDG) qui va ENFIN avoir lieu (10 ans après les faits de « management par la terreur ») du 06/05 au 02/07/2019.

Il va de soi, en outre, qu’un processus de guérison ne pourra prendre forme qu’à l’énoncé de la sentence à la fin du procès. J’attends de ce procès :
- D’être entendue à la barre pour témoigner
- De voir devant moi celui (ceux) par qui ma vie a basculé en enfer
- D’avoir des EXCUSES PUBLIQUES ET SINCERES
- D’obtenir réparations pour tous les préjudices subis (préjudice corporel, préjudice moral et préjudice matériel)
- La reconnaissance de l’entreprise
Ce sont ces différents éléments qui me permettront de panser mes plaies et douleurs, de pouvoir enfin tourner la page de cette décennie de souffrance inouïe, d’incompréhension à tous les niveaux.

Et surtout, ce qui m’aidera à me reconstruire, c’est de me rendre utile pour éviter que cela ne recommence dans mon entreprise et ailleurs, car tous les domaines professionnels sont concernés par les suicides (policiers, hôpitaux, agriculteurs…) et il faut que cela cesse un jour. Si je peux apporter mon expertise du vécu d’une décennie de burn-out pour que les choses avancent et que cela empêche d’autres personnes de vivre le même chemin de croix, ce sera là aussi une belle reconnaissance qui m’aidera à avancer. Pourquoi ne pas devenir PATIENT-EXPERT.

C’est aussi un moyen pour moi de rendre hommage à mes collègues qui n’ont pas eu comme moi la chance de SURVIVRE à ce cataclysme psychologique et de dire à leurs familles que le décès de leur proche n’a pas servi à rien malgré leur terrible douleur.

En effet, il faut que :
- le burn-out soit reconnu comme maladie professionnelle
- les soins médicaux liés à cette pathologie soient mieux pris en charge car combien de visites médicales ne sont pas remboursées,
- l’HUMAIN devienne le CŒUR de la ligne managériale des entreprises,
- animer des conférences et organiser des groupes de paroles pour aider les personnes qui vivent la même chose mais qui ne savent plus que faire,
- surtout faire de la prévention.

C’est un vrai parcours du combattant semé d’embuches et je me rends compte que le hasard d’avoir rencontré, parlé à telle personne, telle association m’a ouvert une nouvelle perspective, un nouvel axe vers la guérison.
Je concluerai en disant :
PLUS JAMAIS CA !!!!

Béatrice (Caen 14)
https://www.facebook.com/burnoutlecombatdemavie/

le 23/04/2019